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Elvira Claude
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Le passeport ndôlèèè !!

Le passeport ndôlèèè !!

source: blogs.mediapart.fr

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Le Cameroun est un de ces pays d’Afrique qui n’accepte pas la double nationalité. En effet, dans les textes de loi, sauf cas particuliers tels que le mariage avec un étranger pour les femmes camerounaises, ou encore la naissance au Cameroun de parents étrangers dont l’un est lui même né au Cameroun, l’obtention d’une citoyenneté étrangère pour un camerounais majeur lui vaut la perte de sa nationalité camerounaise.

 

Après quasiment 10 ans passées sur le territoire français avec mon passeport ndôlè en poche, je ne me suis tout d’abord pas sentie interpellée par ce débat lors de mes premières années en France. Puis, quand sont arrivées les opportunités de voyager au delà de l’espace Shengen, j’ai comme bon nombre de mes camarades ruminé ces questions sans réponses claires dans mon esprit: pourquoi le Cameroun n’accepte t-il pas la double nationalité? Ne serait-ce pas plus simple pour ses ressortissants à l’étranger? Changer ou ne pas changer de nationalité?

 

Avec les années, le débat se faisait de moins en moins chuchotant. La sortie de l’école et l’avènement des premiers emplois pour mes camarades et moi furent un puissant catalyseur dans l’éclosion des voix. Le Cameroun devrait-il autoriser la double nationalité? La majorité de la diaspora se dit pour, et a même déjà sauté le pas du changement de passeport, au risque de perdre leur citoyenneté camerounaise. Ils espèrent cette perte temporaire, priant pour que les choses changent rapidement au Mboa.

 

Mais parmi la diaspora, cette question sous-jacente oppose: Pour ou contre le changement de nationalité? Tous les membres de la diaspora se sont confrontés à cette question. En général, une liste de pour et de contre est dressée, en fonction de la situation personnelle et/ou professionnelle de chacun.

 

Essayons de synthétiser cette liste, en se référant aux différents arguments entendus :

 

5 raisons d’abandonner le passeport Ndôlè :

 

  • Se libérer des contraintes administratives : Le passeport ndôlè jouit de cette appellation à cause de sa couleur verte mais aussi en référence à l’amertume du ndôlè. Notre nationalité en quelque sorte nous lie les mains: non seulement nous ne sommes pas aussi libres que les autres pays de circuler, mais en plus, le Cameroun ne bénéficie quasiment pas d’accords bilatéraux avec des pays mieux « placés ». Ce qui entraine que les démarches administratives ne sont pas du tout facilitées pour les ressortissants camerounais à l’étranger, notamment dans le cadre d’une obtention d’autorisation de travail par exemple.

 

  • Etre libre de circulation partout dans le monde : le passeport ndôlè ne permet pas de voyager facilement au delà de l’espace Shengen. Les procédures de demande de visa peuvent être longues et plus ou moins couteuses selon les pays. Ceci est un facteur handicapant pour les personnes qui sont amenées à voyager fréquemment dans le cadre de leur métier, ou même tout simplement pour ceux qui souhaitent voyager à titre personnel (rendre visite à sa famille, faire du tourisme, etc). Ceci peut également constituer un frein pour ceux qui souhaitent étendre leurs affaires à l’étranger car les procédures d’implantation peuvent être fastidieuses lorsqu’on fait partie d’un pays bénéficiant de très peu d’accords bilatéraux.

 

  • Choix de vie: Vivre dans un pays implique de s’y investir intensément, quitte à en devenir presque citoyen. Ainsi, l’on participe de manière incontournable au développement de la société dans laquelle nous vivons. Pour le cas de la France par exemple, lorsqu’on y vit et qu’on a un emploi, on paie ses impôts que l’on soit Français ou pas. L’on participe à la vie sociale, et on peut choisir de s’intéresser à la vie politique du pays d’accueil. Pour toutes ces raisons, si l’on souhaite s’impliquer encore plus activement, il vaut mieux prendre la citoyenneté du pays d’accueil afin d’y appartenir légalement et de jouir des mêmes droits que les autres citoyens.

 

  • Faire décoller sa carrière professionnelle : Dans certaines professions, l’accès à des secteurs sensibles tels que la Défense, est fermé pour les ressortissants étrangers du pays où l’on travaille. Pour certains camerounais travaillant à l’étranger, cela constitue un frein au développement de leur carrière. Ils se voient parfois contraints d’accepter des missions sans réel intérêt pour pouvoir conserver leur métier.

 

  • Peu d’avantages comparé à d’autres nationalités : Lorsqu’on se trouve confronté à un choix entre deux nationalités, que ce soit dans le cadre du mariage ou de la réclamation du droit du sol, le choix est vite fait si on compare les avantages et inconvénients des deux nationalités. La citoyenneté Camerounaise est parmi celles qui offre le moins d’avantages à ses ressortissants à l’étranger, dans tous les domaines. Je pense par exemple à l’obtention de bourses pour aller étudier à l’étranger.

 

 

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5 raisons de garder sa nationalité camerounaise :

 

  • Représenter le Cameroun et pas un autre pays : Le Cameroun est un pays en voie de développement. Ces dernières années, les opportunités d’investissement s’y sont multipliées. Il y’a tout à y faire et le pays a besoin des compétences de ses fils partis étudier à l’étranger. Dans cette perspective, l’on peut se demander de quel côté l’on souhaite se positionner pour participer au développement de son pays: du côté de l’étranger venu aider/collaborer/coopérer, contribuant ainsi au profit de son pays d’adoption, ou du côté du camerounais agissant pour le Cameroun au nom du Cameroun? Si vous faites partie de ces personnes très ambitieuses qui réaliseront de grands changements au Cameroun, vos oeuvres seront-elles labellisées au nom du Cameroun ou au nom de votre pays d’adoption?

 

  • Ne pas passer à côté des opportunités réservées aux Camerounais : Jusqu’à présent, et comme dans beaucoup de pays, les offres d’emploi au Cameroun sont destinées aux camerounais d’abord. A ceci, beaucoup me répondront que cela ne constitue pas un problème dès lors qu’il est possible de garder malgré tout, de manière illégale disons le, sa nationalité camerounaise. Effectivement il est possible de « jongler » ainsi pour certains secteurs d’activité. Mais pour ceux qui souhaitent se lancer dans la politique, est-ce encore un bon calcul?

 

  • Affirmer son patriotisme: La diaspora camerounaise est plus facilement encline à démontrer un sentiment d’appartenance fort au Cameroun, même ceux qui ont changé de nationalité. Nous sommes en général fiers d’être camerounais et nous ne le cachons pas. En outre, certains démontrent même du déni pour leur pays d’adoption, quand bien même ils oeuvrent pour ce dernier. Parfois au point de répondre « Je suis camerounais » à la question « Tu es d’où? », jouant ainsi avec les mots. Ne devrait-on pas, quitte à changer de citoyenneté, adopter un minimum le pays qui nous accueille? Ne pourrait-on pas, par pure fierté, conserver sa nationalité pour prouver son attachement au Cameroun? Abandonner sa nationalité à cause des difficultés qu’elle nous apporte, n’est-ce pas en contradiction avec le patriotisme que nous affirmons?

 

  • Vivre au Cameroun en toute légalité : Combien de natifs camerounais sommes nous, hors des frontières du pays? Des millions certainement. Naturalisés ou pas. Nombreux sommes nous à vouloir participer activement à son développement. Nombreux espèrent y trouver des conditions favorables pour y vivre et y prospérer. Quoi de mieux que de vivre dans un pays auquel on appartient réellement et légalement ? Il est vrai que la double nationalité pourrait constituer une réponse valable dans ce cas de figure. Mais en attendant le changement de notre législation, pourquoi ne pas conserver sa nationalité si l’on veut vivre au Cameroun ? Il est vrai aussi que des procédures légales existent pour permettre aux étrangers d’obtenir un titre de séjour et vivre au Cameroun. Mais parmi les natifs camerounais naturalisés à l’étranger, combien choisissent cette option ?

 

  • Avoir de la visibilité au niveau mondial: Sur la scène mondiale, la concurrence est rude. Les pays en voie de développement essaient par tous les moyens d’avoir le plus de visibilité possible pour accroitre l’intérêt de grands investisseurs internationaux à leur égard, et ainsi s’affranchir du joug des pays les plus puissants. Cela se fait sur tous les plans: sportif, économique, scientifique, technologique, etc. Les Camerounais sont parmi les africains qui portent le mieux les couleurs de leur pays à l’étranger. Notre fierté et notre sens du travail nous a permis d’acquérir une visibilité à l’international, certes faible mais grandissante, dans des secteurs prisés tels que celui du sport, de la culture musicale, de la technologie et bien d’autres. Chacun à son niveau, dans son métier, ou dans sa vie sociale, peut contribuer à renforcer cette image positive du pays. Dès lors, quoi de mieux qu’un Camerounais pour faire (re)connaitre le Cameroun ? Sans vouloir se comparer à la Chine ou au Japon, qui sont deux pays refusant la double nationalité de leurs ressortissants, pourquoi ne pas prendre exemple sur eux?

 

 

Pour conclure, l’inéluctable réponse à toutes ces tracasseries semble être l’instauration de la double nationalité au Cameroun. En effet, si elle était effective au Cameroun, nous ne nous poserions pas toutes ces questions et bon nombre de choses seraient déjà différentes pour la majorité d’entre nous.

Cependant, toute cette gymnastique intellectuelle n’est-elle pas finalement bénéfique pour l’avenir de notre pays? Si nous pouvions facilement obtenir la double nationalité, nous interrogerions nous sur ce que vaut notre patrimoine et sur ce que nous pouvons/voulons apporter à notre pays ? Pourquoi certains pays comme le Japon sont contre la double nationalité ?

Peut-on réellement appartenir et oeuvrer pour plusieurs pays à la fois? Que signifie être citoyen d’un pays? Finalement la double nationalité au Cameroun, êtes vous pour ou contre?